F. Froger / Z9, pour FranceSoir
Quel est le bilan économique du quinquennat Macron ? Pour en parler, nous avons reçu sur notre plateau Philippe Murer, économiste qui se présente comme un gaulliste et un souverainiste. Alors que le ministre de l'Économie Bruno le Maire revendiquait en décembre 2021 le succès d'une gestion qui aurait ramené la France au temps des Trente Glorieuses, Philippe Murer dénonce ici une falsification : « Le bilan économique de Macron est calamiteux, mais il est maquillé comme une voiture volée ».
Philippe Murer commence cet "Entretien essentiel" en démontant le mythe selon lequel « la gestion économique du gouvernement d'Emmanuel Macron, c'est le retour des Trente Glorieuses » : « Factuellement, Emmanuel Macron a fait 0.5% de croissance par an. Donc c'est très très loin des Trente Glorieuses avec une croissance à 4 ou 5% par an. On a une croissance extrêmement faible », explique l'économiste qui estime que la France se dirige, en réalité, vers la tiers-mondisation.
Comment se fait-il alors que le bilan économique d'Emmanuel Macron soit présenté comme une réussite dans la presse ? Pour Philippe Murer, c'est simple : le gouvernement... ment. À l'appui de cette affirmation, le bilan suédois : « La croissance est bien plus faible que celle de la Suède. Macron a donc cramé 640 milliards de dette pour avoir 0% de croissance. » C'est la preuve selon lui que l'argument qui voudrait que la crise sanitaire soit responsable de cette faible croissance ne tient pas. « La Suède a moins de morts que la France, une croissance similaire à la nôtre et aucune augmentation de la dette publique. C'est donc la gestion du Covid qui a été très mauvaise, pas la crise sanitaire elle-même », assène l'économiste.
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Philippe Murer étrille aussi l'affirmation selon laquelle le président-candidat serait parvenu à mettre un terme à la désindustrialisation de la France. « Quand on regarde les chiffres d'Eurostat, on constate que la France a perdu 5% de sa production industrielle ». Et de dénoncer : « Macron falsifie, s'imaginant qu'il n'y a pas d'économistes sérieux qui vont aller chercher les chiffres qui se trouvent juste dans les bases de données publiques d'Eurostat. »
Rappelant que cette poursuite de la désindustrialisation se traduit également par l'augmentation du déficit commercial, l'économiste insiste sur le fait que la clé de la prospérité repose sur l'industrie : « Les pays qui ont une industrie sont les plus riches. C'est là où il y a des salaires élevés et des gains de productivité importants. Et la richesse créée par l'industrie est ensuite diffusée dans la société. Un coiffeur en France est moins bien payé qu'un coiffeur en Suisse. C'est grâce à l'industrie suisse que les coiffeurs en Suisse sont mieux payés. »
Autre conséquence de cette désindustrialisation : l'uberisation de la société, qui s'observe par l'accroissement du nombre de « petits boulots ». « Un élément clé du quinquennat Macron, c'est qu'on est passé de 1,1 million d'autoentrepreneurs à 2,2 millions. On a donc doublé le nombre d'autoentrepreneurs. Ce sont des gens qui ont des salaires vraiment bas et qui ont les désavantages du chef d'entreprise et les désavantages du salarié. C'est le pire des mondes », déplore M. Murer, qui soutient que c'est « ça qui a permis à Macron de faire croire qu'il avait créé plein d'emplois et que le chômage était en train de disparaitre. » En outre, il dévoile quelques astuces employées par le gouvernement pour faire baisser artificiellement la courbe du chômage. Par exemple, 400 000 Français seraient toujours au chômage partiel sans être comptabilisés parmi les demandeurs d'emploi.
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Malgré les éloges entendus à l'endroit du quinquennat d'Emmanuel Macron, la réalité finit par rattraper le récit, comme le détaille notre invité : « Il y a quand même des sondages incroyables : 20% des gens sautent un repas par jour et un tiers des gens renoncent à se soigner parce qu'ils n'ont plus assez d'argent en fin de mois. C'est ce que disaient les Gilets jaunes qui sont descendus dans la rue. Et [la paupérisation] continue : sur 2021, les gens ont eu des augmentations de salaire très inférieures à l'inflation ».
L'occasion pour lui de s'en prendre aussi à une mesure phare du programme du président-candidat : le report de l'âge de départ à la retraite à 65 ans. Selon lui, « il n'y a absolument pas besoin de faire cette réforme des retraites ». Pour démontrer son point de vue, plusieurs arguments. Tout d'abord, selon un sondage Ifop pour le JDD, « 77% des Français y sont opposés ». Ensuite, le déficit du budget des retraites très peu élevé : 2,5 milliards, avec 2,5 milliards d'excédent budgétaire dans le régime des retraites complémentaires. « Donc on est globalement à l'équilibre. Et il y a 150 milliards d'euros de réserve dans le fonds de réserve des retraites », souligne-t-il. Par ailleurs, « à 62 ans, la moitié des Français arrivent sans emploi. Donc comment peut-on leur demander d'aller jusqu'à 65 ans ? », s'interroge l'économiste, avant de pointer du doigt une contradiction de l'exécutif : « Quand on a dépensé 650 milliards d'euros de dette pour une gestion absurde du Covid, comment peut-on dire qu'il faut absolument faire une réforme du système des retraites pour économiser quelques milliards ? »
Le souverainiste alerte aussi sur la fuite des cerveaux à l'étranger, sur les dégâts de l'inflation, et sur la baisse du pouvoir d'achat qui s'accompagnera d'une récession, puisque les ménages ne seront pas en mesure de consommer, faute d'argent. « Ce n'est pas une situation pérenne », prévient Philippe Murer.